Dépister tôt pour mieux soutenir.
Dès les premiers jours de vie, certaines décisions peuvent changer le parcours d’un enfant et celui de ses parents. Dans cette optique, la Haute Autorité de Santé (HAS) a publié en juin 2025 de nouvelles recommandations sur le dépistage néonatal de la surdité [1]. L’objectif : garantir à chaque nourrisson une prise en charge adaptée, et à chaque famille une information claire et respectueuse de ses choix.
Le dépistage systématique de la surdité à la naissance a été instauré en 2012 avec la publication d’un arrêté le 23 avril 2012 [2]. Depuis, le dépistage néonatal de la surdité doit être proposé à toutes les familles à la maternité. Pourtant, sa mise en œuvre est restée inégale sur le territoire.
Ce que préconise désormais la Haute Autorité de Santé
Suite à une évaluation approfondie de ce programme publiée en juillet 2025, la HAS recommande un protocole plus rigoureux et structuré, conçu pour détecter les troubles auditifs le plus tôt possible, dans des conditions équitables sur tout le territoire et en toute transparence pour les familles :
- Un dépistage systématique sur chacune des deux oreilles à un seuil de 35 dB
- Un processus en 2 étapes : une première à la maternité ou en unité de néonatalogie avec deux tests de dépistage, puis, si nécessaire, une seconde étape à réaliser dans le premier mois suivant la naissance
- Une vigilance particulière pour les nourrissons prématurés avec un dépistage avant un mois d'âge corrigé
- L'obtention du consentement éclairé des parents ou des titulaires de l'autorité parentale après une information complète et accessible
Pour les nourrissons qui n'ont pas bénéficié d'un dépistage de la surdité ou qui sont nés dans des contextes atypiques (par exemple, les sorties précoces, les naissances à domicile), la HAS recommande la réalisation d'une étape de rattrapage.
Les tests auditifs pour dépister une surdité à la naissance
Le dépistage de la surdité était jusqu’à présent réalisé par le biais de deux tests auditifs rapides et non invasifs : OEA (OtoEmissions Acoustiques) et PEAA (Potentiels Evoqués Auditifs Automatisés).
Les otoémissions acoustiques sont basées sur les vibrations sonores émises par des cellules spécialisées de l’oreille interne, les cellules ciliées externes. Le dépistage consiste à placer une petite sonde dans le conduit auditif de l’enfant qui émet des stimuli sonores dans le système auditif. Ces stimuli dans une oreille saine produisent une réponse active des cellules ciliées externes, les otoémissions. Ces sons très faibles ne peuvent pas être entendus par l’oreille mais sont captés par le microphone intégré dans la sonde et analysés.
Les potentiels évoqués auditifs automatisés sont des tests électrophysiologiques qui enregistrent l’activité électrique des réseaux de neurones auditifs. Ils fournissent des informations relatives au degré de la perte auditive. Ce test est considéré comme la technique de choix pour le dépistage de la surdité chez les nouveau-nés.
Une hétérogénéité dans le nombre et le type de tests effectués, ainsi que dans la prise en charge diagnostique a été constatée sur tout le territoire. A présent, la HAS recommande :
1- Pour les naissances en maternité chez des nouveau-nés sans facteurs de risque (hors passage en néonatologie) :
- De réaliser un premier test auditif idéalement 48 heures après la naissance, en privilégiant les tests PEAA. Et, en attendant la généralisation de cette pratique ainsi que la formation des professionnels et l'équipement approprié dans les établissements, le premier test peut être réalisée par un test OEA.
- Si le résultat de ce premier test est non concluant, la HAS recommande de réaliser un deuxième test par PEAA avant la sortie de la maternité
2- Pour les naissances en maternité chez les nouveau-nés avec facteurs de risque (hors passage en néonatologie) :
- De réaliser un premier test par PEAA, idéalement 48 heures après la naissance.
- Si ce premier test s'avère non concluant, la HAS recommande de réaliser un deuxième test par PEAA avant la sortie de la maternité.
3- Pour les nouveau-nés de passage en unité de néonatologie (qu'ils soient prématurés ou non) :
- De réaliser un dépistage exclusivement avec les tests PEAA.
4- Pour les nouveau-nés n'ayant pas bénéficié d'un dépistage de la surdité ou qui sont nés dans des contextes atypiques (sorties précoces, naissances à domicile...) :
- De réaliser un dépistage de rattrapage exclusivement avec les tests PEAA.
Les enfants présentant un résultat non concluant au test de dépistage doivent être orientés vers l'étape diagnostique. Cette étape de diagnostic doit être réalisée pour confirmer ou infirmer la surdité, idéalement, a un mois et avant l'âge corrigé de trois mois. Le diagnostic doit être confirmé ou infirmé par une équipe pluridisciplinaire composée notamment d'un médecin ORL, d'un orthophoniste et d'un psychologue.
Pourquoi c'est une avancée importante ?
Détecter une surdité avant le 3e mois de vie permet de mettre en place les solutions les plus adaptées, au bon moment : accompagnement parental, stimulation langagière, recours à la langue des signes, suivi orthophonique, appareillage voire implantation cochléaire.
Cette précocité joue un rôle crucial dans le développement de l'enfant comme le rappelle la Pre Françoise Denoyelle, directrice des Centres de Recherche en Audiologie à l'AP-HP :
"L'absence de réhabilitation auditive précoce a un retentissement définitif sur la qualité du langage oral, même lorsque la réhabilitation auditive est secondairement bien adaptée."
Mieux informer, sans surmédicaliser
Les nouvelles recommandations de la HAS posent désormais un cadre national précis, harmonisé et lisible. Le suivi du nouveau-né sera ainsi mieux structuré et les étapes identifiées.
La HAS insiste sur un point : il ne s’agit pas seulement de dépister une surdité, mais d’accompagner les familles sur leur parcours et de les impliquer dans les différentes étapes associées depuis la phase du dépistage jusqu’à, éventuellement, celle du diagnostic et du traitement.
L’information délivrée aux familles doit être précoce, clarifiée, précise, rassurante et compréhensible. La HAS rappelle à cet effet l’existence du Centre National d’Information sur la Surdité (CNIS) dédié à l’information et au soutien des familles à toutes les étapes du dépistage, diagnostic et prise en soins.
Le Centre National d’Information sur les Surdités - CNIS
Le Centre National d’Information sur les Surdités - CNIS a pour objectif de permettre à chaque personne confrontée à la surdité (personne concernée, parents, famille, proches, professionnels…) d’accéder à une information fiable et neutre.
Ce centre a pour mission de collecter, élaborer et diffuser l’information sur les questions concernant les surdités. Il a également pour mission d’orienter les personnes recherchant un accompagnement et/ou une prise en charge vers les structures adaptées.
Le CNIS repose sur deux outils complémentaires, un site internet (www.surdi.info) et une plateforme d’écoute et d’information joignable par courriel (contact@surdi.info) et téléphone (0805 800 808).
La plateforme téléphonique est accessible quel que soit le mode de communication de la personne contact : Français oral, Langue des signes française (LSF), Langue française parlée complétée, LfPC, Transcription en Temps Réel de la Parole (TTRP)
SOURCES