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Liberman M. Charles

Prix scientifiques - 2022

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Lauréat du Grand Prix Scientifique 2022 de la Fondation Pour l'Audition

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Grand prix scientifique 2022

Statut du soutien : actif 

Le Grand Prix Scientifique 2022 de la Fondation Pour l’Audition est décerné au Professeur M. Charles Liberman pour ses travaux pionniers sur l’organisation et la fonction des principales voies nerveuses reliant l’oreille interne au cerveau. Le rôle de ces fibres nerveuses mis en évidence par le Pr Liberman ont permis de comprendre pourquoi les acouphènes, l’hyperacousie et les difficultés de perception de la parole dans le bruit sont si répandus. Ces découvertes ont également ouvert la voie au développement de thérapies pour ces troubles de l’audition.

M. Charles Liberman est professeur d’Otologie et de Laryngologie à la faculté de médecine d’Harvard (Boston, États-Unis) et conduit ses recherches au sein des laboratoires Eaton-Peabody, qu’il a dirigé jusqu’à récemment, au Massachusetts Eye and Ear Infirmary.


SES RECHERCHES

Les recherches du Pr Liberman se concentrent depuis plus de 40 ans sur l’oreille interne, où les cellules sensorielles, appelées cellules ciliées, transforment les sons en signaux électriques pour pouvoir être ensuite acheminés, via les fibres du nerf auditif, vers le cerveau où ils seront décodés. Lors de ses travaux de thèse explorant les effets de l’exposition intense au bruit sur l’oreille interne, le Pr Liberman découvre que le nerf auditif est composé de trois types de fibres. Elles diffèrent par leur seuil de sensibilité et sont mobilisées progressivement : les fibres à bas seuil sont activées les premières en réponse aux sons les plus faibles, tandis que celles à seuil élevé ne sont mobilisées que par des sons plus intenses. Cette organisation explique la remarquable capacité dynamique de l’oreille, qui nous permet d’entendre dans une gamme acoustique très étendue. L’autre élément clé de cette découverte réside en l’importance des fibres à seuil élevé pour la perception dans un environnement bruyant tandis que les fibres à bas seuil sont vite saturées par le bruit de fond.
 

La synaptopathie, ou « surdité cachée » : un nouveau paradigme

Entre 2009 et 2013, M. Charles Liberman et sa collègue, la Pr Sharon Kujawa, réalisent une série d’études qui changent notre compréhension de la surdité neurosensorielle, à l’origine de la majorité des déficiences auditives chez les adultes. Jusque-là, on pensait que les cellules ciliées étaient les principales cibles des dommages et que les fibres nerveuses auditives ne dégénéraient que dans un second temps. En réalité, les deux chercheurs découvrent que les fibres du nerf auditif sont les éléments les plus vulnérables lors de la perte auditive liée à l’âge ou induite par le bruit. Plus précisément, ce sont les connexions (appelées synapses) entre les fibres nerveuses et les cellules ciliées qui disparaissent en premier. Les nombreuses cellules ciliées survivantes sont dès lors partiellement déconnectées du cerveau. Même une exposition au bruit relativement légère, ne provoquant qu’une perte transitoire de sensibilité auditive, peut détruire jusqu’à 50 % de ces synapses. Cette maladie de la synapse, ou « synaptopathie », a été surnommée « surdité cachée » car non détectable par un audiogramme (le test d’audition de référence). 


Ces découvertes, confirmées par la suite chez l’humain par l’équipe du Pr Liberman, permettent d’expliquer pourquoi les difficultés d’audition dans le bruit sont une plainte récurrente des personnes sourdes ou malentendantes, quel que soit le type de surdité neurosensorielle concerné. Elles ont également conduit à faire émerger un nouveau courant de pensée sur l’origine des acouphènes (ou sifflements dans les oreilles), expliquant notamment leur fréquence chez des personnes ayant pourtant des audiogrammes normaux.

Des développements thérapeutiques contre la surdité cachée

Inspiré par ces nouvelles connaissances et par les recherches menées par d’autres sur la réparation du système nerveux, le Pr Liberman entame des travaux visant la réparation des synapses dans l’oreille interne. En 2016, il montre que les synapses endommagées par le bruit peuvent être régénérées par l’administration locale de facteurs nutritionnels, appelés neurotrophines qui sont libérés par certaines cellules de l’oreille interne pour favoriser la survie du nerf auditif. Inspirés par ces travaux brevetés, plusieurs laboratoires pharmaceutiques ont conçu des programmes de recherche visant à développer et tester des thérapies contre la surdité cachée. De quoi potentiellement améliorer l’audition de millions de personnes. 
Ces travaux suscitent aussi l’espoir de soulager les personnes atteintes d’acouphènes ou d’hyperacousie car les symptômes douloureux associés pourraient résulter d’une surcompensation des circuits cérébraux auditifs en réponse à la baisse d’activité des fibres nerveuses causée par la perte de synapses.

Aujourd’hui, les travaux du Pr Liberman se concentrent sur l’étude de la prévalence, le diagnostic et le développement de thérapies régénératives pour la surdité cachée chez l’homme. La promesse de nombreuses découvertes à venir !

SON PARCOURS

Alors étudiant de premier cycle à l’université d’Harvard, M. Charles Liberman est tiraillé entre son intérêt pour la science et sa passion pour la musique. Il décide de les combiner en étudiant comment les sons sont traités et perçus par le cerveau. Comme introduction aux sciences de l’audition, il suit un cours avec le Dr Nelson Kiang, directeur fondateur des laboratoires Eaton-Peabody de physiologie auditive au Massachusetts Eye and Ear Infirmary. Il effectue sa thèse de sciences dans le laboratoire du Dr Kiang et obtient, en 1976, son doctorat en physiologie de la faculté de médecine d’Harvard. Il poursuit sa formation avec un stage postdoctoral de deux ans en microscopie électronique dans le laboratoire du Dr Sanford Palay, au département d’anatomie de la faculté de médecine d’Harvard. En 1979, il rejoint à nouveau les laboratoires Eaton-Peabody en tant que chercheur titulaire au sein du service d’Otologie. Il y effectue toute sa carrière, dirigeant sa propre équipe de recherche. En 1996, il devient directeur par intérim des laboratoires Eaton-Peabody, puis directeur en 1998. Au cours des 26 dernières années, il y supervise l’essor des laboratoires et promeut un haut niveau d’excellence en son sein et plus largement au niveau de la communauté internationale des sciences de l’audition. M. Charles Liberman démissionne de son poste de directeur en février 2022 pour concentrer tous ses efforts sur la recherche. En 2015, il co-fonde le laboratoire pharmaceutique Decibel Therapeutics™ dédié au développement de traitements pour restaurer et améliorer l’audition et l’équilibre. 

PRIX ET DISTINCTIONS

Les recherches pionnières du Pr Liberman lui ont valu un certain nombre de prix prestigieux, notamment :

  • 2002 : McMahon Mentorship Award – HST Division of Harvard Medical School / MIT
  • 2009 : Award of Merit, Association for Research in Otolaryngology
  • 2011 : Carhart Award, American Audiological Society
  • 2012 : Bekesy Silver Medal, Acoustical Society of America
  • 2018 : Pioneers in Neuroscience Lectureship, SUNY Buffalo

 

Citation
C’est merveilleux d’être reconnu par le Grand prix scientifique de la Fondation Pour l’Audition, mais le plus satisfaisant, en tant que chercheur fondamental initialement motivé par comprendre l’audition normale, est que mon travail peut maintenant avoir une application pratique. Espérons que cela puisse bientôt conduire à des thérapies qui améliorent l’audition. C’est vraiment enthousiasmant !
Auteur
Pr M. Charles Liberman
Citation
Nous pensons maintenant que la perte des connexions nerveuses au niveau des cellules ciliées est un aspect majeur du déficit auditif neurosensoriel. Cela jette un nouvel éclairage sur la prégnance de la difficulté à entendre dans le bruit à mesure que nous vieillissons.
Auteur
Pr M. Charles Liberman