LE MERRE PIERRE
Statut du soutien : actif
Mécanismes cérébraux de la catégorisation des sons
Le Dr Pierre Le Merre, actuellement en poste au Karolinska Institutet à Stockholm en Suède, va pouvoir revenir en France grâce à la chaire de la Fondation Pour l’Audition et établir son équipe de recherche au Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon (CRNL) pour y développer une nouvelle thématique d’étude. Son projet vise à élucider la manière dont le cerveau classe en catégories les sons qui nous entourent. Comprendre ce processus cognitif, essentiel à l’interprétation de l’univers sonore qui nous entoure, pourrait contribuer à expliquer l’origine de certains troubles neurocomportementaux.
« Entendre, c’est bien plus que percevoir des sons, c’est aussi leur donner un sens, explique Pierre Le Merre, chercheur au CNRS qui va installer prochainement son équipe de recherche au CRNL à Lyon. Pour donner un sens à un paysage sonore complexe, Il faut comprendre la nature des multiples sons et bruits qui nous entourent, par exemple identifier la mélodie d’un instrument de musique, reconnaître l’énoncé d’un numéro de téléphone. Cela fait appel à un processus mental appelé catégorisation auditive qui permet de classer ensemble les sons similaires. » Ce processus, conservé au cours de l’évolution, existe chez un grand nombre d’espèces animales. « Probablement parce que c’est une question de survie, commente le chercheur, notamment par la reconnaissance immédiate de sons dangereux, comme celui une cascade ou d’un prédateur. » Le cerveau effectue cette catégorisation auditive très efficacement, sans qu’on en connaisse aujourd’hui les mécanismes. C’est l’enjeu du projet de Pierre Le Merre : « Ce processus cognitif simple peut aussi être altéré dans certaines affections, comme la schizophrénie ou les troubles du spectre autistique. C’est pourquoi il est intéressant de comprendre les mécanismes cérébraux en jeu. »
Une technologie unique de spatialisation des sons
Pour relever ce défi, le scientifique se propose d’étudier le comportement et l’activité cérébrale de souris en réponse à différents sons. L’originalité du projet tient dans le dispositif technique utilisé : un système immersif unique, appelé audiosphère, conçu et construit en partenariat avec le Laboratoire de Mécanique et d'Acoustique (LMA), à Marseille. « L’audiosphère est une demi-sphère miniaturisée qui peut recréer un univers sonore proche de la réalité, c’est-à-dire avec des sons naturels (forêt, cascade, oiseau de proie, etc.) provenant de différentes directions. » Une expérience inédite puisqu’habituellement les études sont réalisées avec des sons purs*, des stimuli pauvres, éloignés de la réalité. « Nous allons observer le comportement de l’animal en réponse à ces sons naturels, voir s’il peut les différencier et, en parallèle, suivre très précisément son activité cérébrale, grâce à l’enregistrement simultané de milliers de neurones. De quoi étudier en temps réel les processus cognitifs à l’échelle du cerveau entier ! Nous pourrons ainsi établir la manière dont les aires cérébrales coordonnent leur activité pour donner naissance au processus de catégorisation. »
À terme, ces travaux pourraient permettre de comprendre les dysfonctionnements neuronaux à l’origine de certains troubles cognitifs. Ils pourraient par ailleurs inspirer de nouvelles avancées dans le domaine de l’intelligence artificielle, en créant des algorithmes capables d’interpréter le monde sonore pour que les personnes sourdes et malentendantes ou les personnes atteintes de troubles cognitifs spécifiques interagissent de nouveau avec leur environnement
* Son pur : son composé d’une seule fréquence. En savoir plus.