"Je fais de la recherche sur la surdité grâce à Laure"

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"Mes années collège sont reliées à de nombreux bons souvenirs. Et parmi eux, il y a une place toute particulière pour Laure."

Témoignages - Publié le 13/11/2020 - Mis à jour le 24/02/2021

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Par Sophie Bouton, lauréate Jeune chercheur 2016 de la Fondation Pour l'Audition.

"Pour moi, Laure est belle, gaie, intrépide, et sourde. En cours, elle semblait ne pas rencontrer de problèmes. Elle suivait au même rythme que les autres et sa différence ne se voyait pas. On est devenue copine quand je lui ai demandé comment elle faisait : elle m’a montré son appareil et m’a expliquée qu’elle lisait sur les lèvres. Je n’avais jamais entendu parler de cette façon de faire. Ça veut dire quoi « lire sur les lèvres » ?

Grâce à ses explications, j’ai commencé à prendre conscience que chaque mot que j’entendais pouvait aussi être compris en lisant sur les lèvres. J’étais curieuse, alors, pendant la récréation, elle m’apprenait : j’ai pu distinguer compter et monter juste en lisant sur les lèvres mais pas ballon et bâton. « Pour pouvoir faire la différence entre ballon et bâton, il faut t’aider du sens de la phrase. Par exemple, on ne te demandera jamais si tu as ramassé des ballons dans les bois ? ». J’ai ri et surtout, j’ai trouvé ça génial ! J’étais tellement enthousiaste que j’ai longtemps perturbé ses récrés pour qu’elle m’apprenne. Alors on a commencé à se parler à distance juste en lisant sur les lèvres l’une de l’autre. J’adorais. Pour moi, c’était aussi puissant que la télépathie.

J’ai grandi, ma vie s’est accélérée, et j’ai poursuivi mes études jusqu’à l’Université. Dès mes premiers cours de Sciences Cognitives, le langage et son développement ont été au centre de mes intérêts, et quand j’ai dû choisir un thème de recherche en Master, j’ai dit à ma directrice que je souhaitais travailler sur la surdité. Elle m’a répondu « d’accord, mais la surdité avec implant cochléaire ». En Master puis en thèse, j’ai travaillé avec plus d’une cinquantaine de familles qui m’ont accueillie, expliquée, racontée. J’ai travaillé en collaboration avec l’association pour la promotion du langage parlé complété (l’ALPC), qui m’a entre autres permis de participer à 2 stages pour apprendre à coder. Ainsi j’ai pu mieux communiquer avec les enfants qui ont participé à mes expériences de recherche.

À la fin de ma thèse, j’ai poursuivi mon travail de recherche en Suisse pendant 5 ans, et quand j’ai voulu revenir en France, j’ai candidaté à des financements de recherche proposés par la Fondation Pour l’Audition. La fondation a sélectionné ma candidature et accepté de soutenir mon travail. Grâce au soutien de la Fondation Pour l’Audition, mon travail sur le développement du langage et les différences d’apprentissage lorsqu’on naît sourd ou entendant, continue. Aujourd’hui, j’étudie le développement du langage quelque soit le niveau de surdité et quelque soit l’appareillage utilisé. Je n’ai pas encore été initiée à la Langue des Signes, mais qui sait, peut-être que Laure m’apprendra. Aujourd’hui, enseigner en langue des signes est son métier."

Aujourd'hui, Sophie Bouton a été recrutée comme chercheur statutaire au CNRS. Elle a été lauréate de la bourse Jeune chercheur de la Fondation Pour l'Audition en 2016.
La Fondation Pour l’Audition (FPA) propose des bourses pour promouvoir la formation des futurs talents de la recherche française dans l’audition. L’objectif est d’encourager les carrières de jeunes chercheurs et jeunes cliniciens dans le domaine de l’audition. Retrouvez toutes les informations sur ce programme ici.